L’abus fiscal au regard de l’article 537 du CIR 92 – L’administration fiscale détourne l’objectif principal de la disposition.

  1. Portée de l’article 357 du CIR 92

L’article 537 du CIR 92 introduit une mesure transitoire dans le cadre de l’augmentation du précompte mobilier et du taux distinct de l’impôt des personnes physiques sur les bonis de liquidation.

Selon cet article, les réserves taxées existantes au 31 mars 2013 peuvent être distribuées avec l’application d’un précompte mobilier de 10 % (et d’un impôt des personnes physiques correspondant). Cette distribution à un taux avantageux similaire au taux de liquidation préalablement applicable est toutefois soumise à deux conditions.

D’une part, la personne bénéficiant de ladite distribution doit utiliser immédiatement les dividendes ainsi acquis pour augmenter le capital social de la société concernée et, d’autre part, la société bénéficiant de l’augmentation de capital doit la conserver au moins pour une durée déterminée.

La durée de conservation pour les PME est de 4 ans. Cette durée plus courte pour les PME est justifiée par la volonté prononcée du gouvernement d’offrir un climat fiscal plus favorable aux PME. En effet, la crainte, au moment de l’augmentation des taux d’imposition sur les bonis de liquidation était que les petites entreprises aient été tentées de liquider rapidement leurs affaires avant le 1er octobre 2014 (date à laquelle le taux est passé de 10 % à 25 %). Ce risque aurait été d’autant plus important pour les PME dont le gérant atteignait l’âge de la pension légale. C’est pourquoi, dans l’espoir d’encourager l’entreprenariat existant à perdurer et d’éviter que certaines PME décident de mettre fin prématurément à leur exploitation pour cette unique raison, le gouvernement a instauré la mesure présente à l’article 537 du CIR 92.

Plusieurs litiges sont nés sur la question de savoir s’il y a abus fiscal lorsqu’une société procède à une réduction de capital préalable à une distribution de dividendes qui vont ensuite être directement réincorporés au capital en application de l’article 537 du CIR 92.

 

  1. Abus fiscal soulevé par l’administration fiscale

L’administration fiscale considère que le fait de procéder à une réduction du capital social de la société préalablement au versement d’un dividende en application de l’article 537 CIR 92 est constitutif d’un abus fiscal.

L’administration estime que procéder à ces deux opérations simultanément ne relève pas d’une intention de renforcer le capital social de la société mais, au contraire, cela démontre que la société souhaite  attribuer aux actionnaires un dividende soumis au taux de précompte mobilier de 10 % et non de 25 %. C’est dès lors sur la base de la disposition de l’article 344 CIR 92 que l’administration fiscale entend soumettre le dividende au taux normal de précompte mobilier.

 

  1. Raisonnement et décision du Tribunal

La jurisprudence est divisée sur la question de l’abus fiscal de cette situation.

Le Tribunal de première instance du Brabant Wallon, après avoir rappelé les différents éléments constitutifs d’un abus fiscal, a énoncé les différentes étapes nécessaires pour le prouver.  Selon ce dernier, la première étape consiste à s’interroger sur l’objectif poursuivi par le législateur afin de déterminer si le contribuable a respecté ou violé cet objectif.

Dans le cas d’espèce, selon le Tribunal, il était possible de retrouver les objectifs afférents à l’article 537 CIR 92 dans l’exposé des motifs de la Loi-programme du 28 juin 2013, plus précisément à l’article 6 de ladite loi-programme.

Selon la Loi-programme, le but de cette mesure transitoire était d’éviter des liquidations intempestives de société, celles-ci préférant mettre fin à leur activité en bénéficiant d’un taux d’imposition relativement bas, plutôt que d’attendre l’arrivée du nouveau taux d’imposition beaucoup plus élevé. C’est donc dans cette optique que le législateur a décidé d’introduire cette mesure qui permettait aux petites sociétés de perdurer en transformant leurs réserves en bon capital moyennant un prélèvement de 10 %.

Cette mesure avait également pour objectif d’encourager la formation durable de capital, en exigeant que la société conserve ce capital constitué grâce aux réserves incorporées durant une certain temps. Or, selon le Tribunal, il n’apparait pas que le législateur visait uniquement, comme le mentionne l’administration, à encourager une augmentation durable des fonds propres de la société. Rien ne permet de déduire des travaux préparatoires ou de la Loi-programme que le législateur désirait réserver la mesure transitoire de l’article 537 CIR 92 aux uniques sociétés qui n’avaient pas préalablement procédé à une réduction de leur capital.

Par conséquent, le Tribunal de première instance du Brabant Wallon considère que l’administration fiscale n’a pas pu apporter la preuve que la société a méconnu les objectifs du législateur en procédant à une réduction de capital avant d’utiliser la possibilité mise en place par l’article 537 CIR 92. Partant, c’est à tort que l’administration a invoqué la disposition anti-abus de l’article 344, §1er CIR 92.

L’administration a cependant interjeté appel.  Affaire à suivre…

 

 

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